<<Mélancolie? >>

 

« Dans l’armée, je me souviens qu’un exemplaire d’Anatomy of Melancholy, de Burton, m’était tombé entre les mains. Je le lisais pour la première fois de ma vie, et je le prenais tous les soirs pendant que nous étions en Angleterre à nous entraîner pour le débarquement en France. J’adorais ce livre, Nathan, mais il me laissait perplexe. Tu te souviens de ce que Burton dit sur la mélancolie ? Chacun de nous y est prédisposé, selon lui, mais certains d’entre nous prennent l’habitude de la mélancolie. Or comment prend-on cette habitude ? C’est une question à laquelle il ne répond pas. Son livre ne le dit pas, si bien qu’il m’a fallu me le demander jusqu’au Débarquement, et jusqu’à ce que mon expérience personnelle me le montre.

« On prend l’habitude d’être trahi. C’est la trahison qui en est la cause. Pense aux tragédies. Qu’est-ce qui provoque la mélancolie, le délire, le meurtre ? Othello - trahi. Hamlet – trahi. Lear – trahi. On pourrait même soutenir que Macbeth est trahi – par lui-même -  quoique ce ne soit pas la même chose. Nous qui avons, par métier, usé notre énergie à enseigner les chefs-d’œuvre, les rares d’entre nous que passionne encore le regard de la littérature sur les choses, nous n’aurions pas d’excuses si nous ne voyions pas que la trahison est au cœur de l’Histoire. L’Histoire, de haut en bas. L’histoire du monde, de la famille, de l’individu. Très vaste sujet, la trahison. Il suffit de considérer la Bible. De quoi y est-il question ? Dans la Bible, la matrice des situations, c’est la trahison. Adam – trahi. Ésaü – trahi. Les Sachémites – trahis. Juda – trahi. Moïse – trahi. Ouri – trahi. Job – trahi. Trahi par qui, Job ? Par Dieu lui-même. Sans oublier la trahison de Dieu. Dieu trahi, trahi par nos ancêtres, à la moindre occasion. » Philip Roth,  J’ai épousé un communiste,  pp.235-236, tr.fr., Gallimard, Paris, 2001.

Réflexion sur l'"homosexualité".

Vous avez dit - « homosexualité » _.pdf
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Le Document Champ terminologique est destiné à des amis étrangers, venus d'Asie et résidant en France, qui découvrent la langue française et la philosophie occidentale.

Il s'agit, pour ainsi dire, d'un Glossaire, qui sert de repère pour l'élaboration des traductions dans la langue d'origine de termes et de notions fréquents dans les textes philosophiques d'Occident.

Tous les participants seraient heureux de recevoir, via la Rubrique Contact, la suggestion de nouvelles "entrées" dans ce Glossaire, qui est une construction en mouvement.

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Crise ?

"C'est une conception illusoire qu'il existerait une crise des Temps modernes en raison du manque de fiabilité de ses fondements philosophiques. La crise n'est pas celle de l'accès du sujet à ses objets; rien ne s'est confirmé plus brillamment que celui-ci. La crise réside dans l'inaccessibilité du sujet à lui-même, dans la perception surprenante de son opacité, non pas seulement, et non pas primairement, pour les autres".

Hans BLUMENBERG. Description de l'homme. Tr.fse Denis Trierweiler, p.821.


De quoi est-il question en philosophie ?

 

Je retranscris, dans la traduction française de Denis Trierweiler, les premières lignes de Description de l'homme, de Hans Blumenberg :

"De quoi doit-il être question dans la philosophie? Contrairement à toutes les autres sciences, dans lesquelles on sait d'emblée de quoi il doit être question, pour expliquer ensuite progressivement comment ce discours doit se dérouler, de quels moyens on se servira, et dans quelles limites la connaissance peut être acquise, en philosophie, la décision de ce dont il doit être question en elle a déjà lieu comme une affaire de la philoosphie."

Après avoir lu La Généalogie de la morale de Nietzsche, je me demande quel énoncé est encore susceptible de résister au soupçon critique, en matière d'éthique.


Je ne résiste pas au plaisir d’insérer ce texte d’Elias Canetti (1998 : 971), extrait de Le Territoire de l’homme :

« C’est la loi des équivalences dans la vie psychique : nous ne pouvons faire aucun mal à autrui, fût-ce dans le plus grand secret, sans qu’un coup semblable nous frappe. Il se pourrait même que le châtiment soit enfermé déjà dans la nature même de nos agissements ». 

Pourquoi l'homme a-t-il un tel problème avec le temps ?

Il y a un texte très intéressant de Abraham J. Heschel, à ce sujet ( HESCHEL, Abraham J. 2010(1967). The Insecurity of Freedom. Essays on Human Existence. New York : Farrar, Straus & Giroux.), dont je traduis ce qui suit:

p.80:

"Le temps est le seul aspect de son existence qui soit, pour l'homme, complètement hors de son contrôle./.../ "Chose" est une catégorie qui pèse lourdement sur nos esprits, tyrannisant toutes nos pensées./.../ Pour nous, la réalité, c'est la choséité, le fait d'être une chose, consistant dans des substances qui occupent l'espace; même Dieu est conçu par la plupart d'entre nous comme une chose. Le résultat de notre passion pour la choséité, c'est notre aveuglement à l'égard de toute réalité qui refuse de s'identifier comme une chose, comme une chose qui va de soi. Cela est évident dans notre compréhension du temps, qui, étant dépourvu de choséité et non-substantiel, nous apparaît comme s'il n'avait pas de réalité".

et aussi, p.148, n.32:

"L'essence de l'idolâtrie, c'est de considérer quelque chose comme une chose en soi...."

Comment accéder à la philosophie de Spinoza ?

Le plus simple est de se procurer une traduction de l'ÉTHIQUE, et de commencer la lecture.

De manière concomitante, il est utile de se procurer le livre de Pierre-François MOREAU, 2003, Spinoza et le spinozisme. Paris : PUF.

S'il fallait définir de manière lapidaire ce qu'est la philosophie, que diriez vous?

Je répondrai que je ne sais pas ce qu'est la philosophie, mais que quelque chose est à dire concernant l'acte de philosopher. Pour reprendre la formulation de Hans BLUMENBERG, ce qui allait de soi ne va plus autant de soi; de manière symétrique, que le fait que ce qui semblait aller de soi n'aille plus vraiment de soi, c'est cela qui entraîne le désir et le mouvement de cet acte de philosopher, dont les résidus sont nommés "philosophie".